Vendredi, il est un peu plus de 14 heures à l'horloge de sa voiture. Lunettes sur le bout du nez, William guette le monde sur la route. Après quelques kilomètres, il met son clignotant à droite, emprunte la sortie du périphérique vers Portet-sur-Garonne et là, surprise ! « Je décide de venir un vendredi en début d'après-midi pour éviter le monde et au final je me retrouve bloquer. Décidément j'ai vraiment pas de chance » clame William. Petit à petit, au rythme du trafic, William s'extirpe du bouchon et atteint enfin sa destination. Siège reculé au maximum, jambes quasiment recroquevillées, William parvient après quelques secondes à sortir de sa voiture. C'est que du haut de ses 2,06 mètres, sa petite Fiat n'est pas le véhicule le plus adapté à sa taille.
Vis ma vie de Végane
William sort de son coffre deux sacs de courses et part en direction de La Fermière. Un magasin bio qu'il a sélectionné et dans lequel il se rend presque toutes les semaines. Faut dire que William est un peu particulier, il est végane.
Végane, William l'est devenu avec le temps et par la force des choses. Tout commence un jour en rentrant de vacances. Tracassé par le visionnage d'un reportage sur des abattoirs, William s'est lancé une sorte de challenge. « J'avais décidé de devenir végétarien sur une semaine, un mois histoire de tester. Et depuis j'ai jamais décroché !». Faut dire qu'à l'époque William effectuait deux entraînements de basket par jour. Un rythme très soutenu. Et puis la vision d'un second reportage, cette fois-ci sur un ultratriathlète devenu végane, l'a conforté dans ce défi. « Cet homme expliquait qu'il avait des performances de récupération beaucoup plus rapides qu'un omnivore. C'était une raison de plus de tester en tant que basketteur. »
A l'époque il se considérait lui-même comme flexitarien, un végétarien qui ne mange de la viande qu'en certaines occasions. « Je mangeais un peu de viande quand j'étais en déplacement avec mon équipe ou alors à l'extérieur par exemple. Mais rien qu'en faisant cela je sentais un réel gain en terme de récupération. » Il admet également que l'aspect environnemental et celui de l'éthique animale sont rapidement entrés en jeu.
Au bout de deux ans et demi et de nombreuses recherches il est passé de végétarien à végétalien puis enfin végane. Un mode de vie dans lequel il exclut toute forme animal. Un géant vert qui prend son mode de vie aujourd'hui comme un amusement. « Ce changement de vie, m'a fait découvrir tellement de choses. Je me suis intéressé à mon alimentation, à ma santé, je me suis mis à cuisiner. Donc pour moi c'est plus un amusement et une découverte malgré les contraintes qui existent. »
Pour William, le magasin La Fermière est le parfait compromis entre le bio industriel et la qualité locale sourcée. « Les prix sont plutôt attractifs, cela me permet de manger des produits qui sont bios sans trop dépenser » explique-t-il. Il se rend souvent dans ce magasin également pour une question de budget. « Tu vois par exemple, les bananes sont beaucoup moins chères ici qu'a Carrefour », malheureusement pour William ce jour-ci il n'y en avait que très peu dans les cagettes.
“ Cela apporte tellement que je ne le vois plus comme une contrainte”
(Cliquez sur le texte)
Un peu déçu, il poursuit tout de même ses achats : quelques légumes, des céréales et un peu de légumineuses. Soit l'alimentation de base d'un végane. « Quand on est végane on ne pense pas son assiette comme un omnivore. On associe des céréales avec des légumes ou bien des légumineuses, on se retrouve avec des plats qui sont très variés malgré ce qu'on peut penser. » développe l'ancien basketteur.
Il ajoute « En ce qui me concerne je consomme beaucoup de fruits que je mange ensuite sous forme de smoothies. »
Eliminer de son alimentation tous les produits et sous produits d'origine animale demande cependant un peu de temps. « Au départ je retournais les produits un par un pour voir leur composition, donc forcément c'était un peu contraignant. Mais avec le temps ça devient un jeu, puis on connaît les produits qu'on doit acheter. »
“ On retourne le produit, on regarde la composition ”
(Cliquez sur le texte)
Cette tâche est maintenant facilitée par la mise en gras des produits allergènes sur tous les emballages. « On va plus vite certes, mais faut quand même être super attentif » exprime la copine de William, avant qu'il n'enchaîne avec son anecdote sur les bananes séchées. « Quand je suis arrivé à Toulouse, j'ai du manger des bananes séchées pendant 2-3 mois, jusqu'au jour où je me suis rendu compte qu'il y avait du miel dedans. Quelque chose que je ne soupçonnais même pas d'ailleurs. Du coup depuis ce jour-là, je n'en mange plus. » Une manière pour William d'être activiste dans le mouvement du véganisme.
Ce mode de vie impacte également sa façon de s'habiller. Et pour un grand gaillard comme lui c'est pas toujours chose aisée. « Par exemple la dernière fois je cherchais des chaussures de randonnée. Déjà en trouver quand tu as des grands pieds c'est pas évident, mais quand en plus tu es végane, ça limite encore plus le choix. Du coup je me suis «résigné» à acheter des chaussures avec du cuir dessus. Après j'essaye toujours de trouver des alternatives qui contiennent uniquement du coton ou des matières synthétiques. Mais vu mes mensurations, par moment, c'est mission impossible. »
Après une petite heure de course, William reprend la route en direction d'un autre magasin. Une grande surface dans laquelle il a pris l'habitude d'acheter certains produits. A peine entré, il se dirige immédiatement vers l'emplacement des fruits et légumes.
Attiré par le nombre de bananes, William y jette un œil avant de se raviser. « Même si j'en ai acheté très peu par rapport à d'habitude, c'est pas grave. Ici à carrefour elles sont plus chères alors qu'elles ne sont pas forcément meilleures. » Il poursuit alors son chemin dans le rayon fruits et légumes, part chercher des fruits surgelés avant de jeter son dévolu sur les boîtes de pois chiches. Une, puis deux… « Je vais même en prendre plus tiens ! Une ou deux de plus histoire de refaire mon stock. » Il en va de même pour la sauce tomate, élément simple et très utilisé par le végane.
Juste avant de passer à la caisse William réalise un petit détour au rayon des pizzas et autres plats préparés. Un détour qu'il réalise depuis quelques temps de plus en plus régulièrement.
Non pas pour acheter des lasagnes ou du hachis Parmentier, mais bien pour regarder des nuggets et des escalopes véganes. Oui oui cela existe. « Celui la je l'ai testé il n'y a pas si longtemps et il était plutôt bon d'ailleurs. » en montrant un steak de soja et de blé, avant de reprendre « faudrait que j'essaye ces émincés de soja aussi. » Un tout petit compartiment végane au milieu des plats cuisinés et des pizzas emballées. « Certes il est difficile à trouver, mais au moins il y en a un ! » clame fièrement William avec un sourire aux lèvres. Finalement, il ne trouvera pas son bonheur parmi les quelques produits véganes restant.
«C'est vrai, qu'il y a encore deux, trois ans, il était impossible de trouver ce genre de logo sur des produits » reprend-il. Une véritable évolution pour William qui garde en tête son voyage aux Etats-Unis où le véganisme est très développé et est assumé par la société. « En France on est vraiment en retard par rapport aux Etats-Unis ou à d'autres pays européens sur le véganisme. »
Fraichement débarqué de Bretagne, William a longtemps réalisé ses emplettes en centre ville. Souvent à Biocoop mais aussi quelques fois au Cri de la Carotte. Une épicerie qui se revendique 100% végane et fait partie des 4 magasins dédiés spécialement à ce phénomène en France.
Un magasin où l'on trouve de nombreux substituts animal tels que les similis carne ou encore des fauxmages. Un produit qui ne séduit pas tellement William. « J'ai jamais goûté quelque chose qui a le vrai goût du fromage. La texture oui mais c'est tout. Pour l'instant si on cherche le vrai goût du fromage autant ne pas être végane. » lâche-t-il.
Des fauxmages qui sont fermentés pour la plupart à partir d'amandes ou encore de noix de cajou. Il existe également quelques fauxmages frais à base de soja à étaler. « J'achète aussi de la levure maltée, ça donne l'odeur du fromage. C'est assez surprenant quand on ne connaît pas. »
Cet ancien basketteur du Toulouse Basket Club achète de temps en temps quelques steaks à base de soja ou bien de tofu. « Je trouve qu'ils sont plutôt bien travaillés. Après je préfère tout de même me préparer mon steak de pois chiches chez moi. »
Le Cri de la Carotte propose une multitude de simili carne qui, au premier regard, ressemble à de vrai morceau de viande.
« Le Soja, le blé, ou encore le lupin sont des substituts qui peuvent apporter des protéines. De cette manière on compense le manque qu'on peut avoir en ne consommant pas de viande. » expose Céline, la gérante de l'épicerie.
Un point de vue qui n'est pas partagé par une nutritionniste. « Les protéines sont des acides aminés. Or dans la viande il y a des acides aminés que l'on ne va pas retrouver ensuite dans les végétaux. Ces individus qui ne consomment pas de viande vont donc être en manque. »
Yves Couratte, médecin généraliste tient aussi à rappeler que cela peut provoquer des carences en vitamine B12. Vitamine présente dans les œufs, le lait ou encore le fromage. « La vitamine B12 entre dans la composition du sang, puisqu'elle sert à la fabrication des globules rouges. Ce manque d'apport en vitamine B12 de part leur mode de consommation, va amener une carence donc une anémie. Soit un manque de globules rouges sur le long terme. » Une carence qui selon lui peut provoquer de la fatigue, un essoufflement, ou bien même des troubles digestifs si aucun complément alimentaire n'est pris à côté. « En ce qui concerne les enfants en croissance, cela peut être très grave. » poursuit Yves Couratte, « A cet âge-là, ils ont un fort besoin en protéines et ce manque peut aller jusqu’à engendrer un retard de croissance, un retard mental ainsi qu'une perte musculaire. »
Le médecin souligne cependant que cette alimentation a de nombreux bienfaits au niveau de la santé. « On est sur un régime alimentaire qui est moins calorique et permet donc de réguler son poids plus facilement. Puis il faut savoir que les régimes végétaliens préviennent contre les cancers des intestins ou bien des maladies cardio-vasculaires. »
Cette vitamine William n'en a plus acheté depuis quelques mois maintenant. « J'en prenais quand le basket était mon métier, mais pas régulièrement, seulement de temps en temps. » Le basket a longtemps partagé le quotidien de William. Cet ancien joueur professionnel a même joué en Pro A à Pau-Lacq-Orthez avant de finir sa carrière à Toulouse.
Pierre, encore joueur de basket professionnel au TBC, a connu William avant et après son changement de mode de vie. « Cela a été un peu surprenant au début parce que je le connaissais du centre de formation de Pau, et il n'était pas végane. »
Mais pour son ami, ce choix n'est pas incompatible avec le basket. « Ce n'était pas du tout gênant pour nous. Cela l'était peut-être plus pour lui vu qu'il se préparait tous ses repas lors des déplacements à l'extérieur.
Ce qui est certain c'est qu'il n'y a jamais eu de problème d'intégration pour William. » Pierre ajoute tout de même qu'il a souvent été charrié par ses coéquipiers, mais toujours avec le sourire. Pour lui, la seule chose qui a changé chez William c'est son physique. « A l'époque il avait des cheveux, maintenant quasiment plus » lâche l'ailier de Toulouse en rigolant avant de terminer « puis je pense qu'il a perdu 10 à 15 kilos à vue d'oeil, mais c'est tout. Je dirais même que depuis qu'il est végane il a l'air plus apaisé. »
Célia, la copine de William, a simplement dû s'habituer à manger différemment.
“ On apprend à cuisiner de nouvelles choses ”
(Cliquez sur le texte)
Du côté de ses amis c'est le même son de cloche. Certains qui le connaissent depuis plus d'un an n'y voit même aucun inconvénient. « Cela ne me dérange pas du tout que William soit végane, au contraire je trouve que c'est un challenge » témoigne Eglantine. « Parfois on a un peu le regret de ne pas se faire tel ou tel restaurant, mais c'est pas grave. On en profite pour faire de bons repas chez nous. »
Une rencontre qui a donc changé les habitudes de restauration d'Eglantine, qui garde cependant le sourire tant elle a découvert de produits depuis cette amitié. « C'est hyper enrichissant de l'avoir dans son entourage, on apprend pleins de trucs. Après je t'avoue que je mange quand même de la viande quand il n'est pas là, mais moins qu'auparavant » précise-t-elle.
Louis, autre ami de William soutient le même discours. Il confie tout de même avoir été surpris lors de leur première rencontre, « Ma première réaction a été bizarre parce que je ne savais pas en quoi consistait le véganisme. Je ne connaissais pas ce mode de vie. » Aujourd'hui Louis considère le choix de son ami comme un amusement même s'il ne souhaite pas le vivre tous les jours. « Au quotidien cela serait vraiment une contrainte de ne pas manger de viande pour moi ».
Une contrainte bien accepté par Célia.
“ Je suis devenue végétarienne quelques mois après l'avoir rencontré ”
(Cliquez sur le texte)
« Le fait que je sois végane ça a un peu traumatisé la belle famille au début » explique William. Une période compliquée que sa copine a vécu comme une forme d'exclusion. « Je l'ai vraiment mal vécu » dit Célia.
La famille de William a mieux accepté ce changement de mode de vie. Faut dire que l'ancien basketteur n'est pas très famille. « J'aurais pu couper les ponts sans soucis » lâche-t-il, avant de conclure « socialement cela peut être très compliqué, cela peut couper de sa famille, de ses amis mais en ce qui me concerne ce n'est pas le cas. » Parents, comme grand-parents ont adhéré au nouveau mode de vie de William.
Sa mère est même devenue végétalienne quelques mois après. Il comprend donc très bien que son choix impacte forcément sur la vie des autres même s'il ne le souhaite pas.
Quand arrive alors la question des enfants, William et Célia se regardent un peu gênés puis il commente « On a rapidement abordé le sujet, mais ils décideront par eux-mêmes. Ils seront libres de leur choix à l'extérieur, après chez moi je ne leur servirai pas de viande ou de fromage, ça c'est certain ! »
Vous pouvez utiliser les flèches du clavier pour descendre